Discussion animée entre la directrice et Justine [ELODIE]

Justine Dahlia devait parler à Elodie Howkins. C'était si important ! Ne voyait-elle pas que Lucie Descrochers, une de ses meilleures jockettes, dépérissait de jour en jour ? Etait-elle aveugle à ce point là ? L'adolescente avançait d'un pas rageur à travers les écuries. Chaque jour qui passait, le caractère et la santé de Lucie se détérioriaient. Et Elodie ne disait rien ! Tout le monde au Domaine de Course Hippiques savait que Suprême de l'Orca, la jument de Lucie, dépérissait elle aussi là où elle était... Et mieux que tout, elle était pleine de Last Chance ! Si Suprême n'allait pas bien, le petit ne pourrait pas bien aller non plus. Pourquoi ? Pourquoi avait-on saisi Suprême à Lucie et pas Last Chance à Justine ? Pourquoi ? Parce que Lucie était plus vulnérable, elle n'était pas extremement connue en France ? Et elle où la solidarité et la loyauté, là dedans ? Les coups bas, ça suffisait, la jeune jockette en avait marre ! Elle croisa Rachel Seyfried dans le box d'Aith. Avril (de son deuxième prénom) prit des nouvelles du petit poulain, puis demanda où se trouvait Elodie. Rachel devait se douter que cette confrontation arriverait un jour ou l'autre. C'est à contrecoeur qu'elle donna l'emplacement de sa mère à son amie. Elle savait qu'une discussion animée allait s'en suivre... Justine marcha d'un pas assuré et rapide dans la direction de la cuisine.

Pff... Lieu très professionnel pour se rencontrer et parler des problèmes du Domaine ! Mais bon. Puisqu'il fallait faire avec. La jockette traversa l'allée numéro 3 sans pouvoir s'empêcher de faire un crochet par le box de Last Flower. Le Géant Noir était là, au fond de son box, dans l'obscurité. Ses yeux brillaient de rage. Il renâclait sans cesse par les naseaux. Justine, tout doucement, s'approcha. Comme l'avait toujours fait Last Chance quand la jeune fille l'avait rencontré, il plongea vers elle, dents en avant, une lueur folle dans le regard. L'adolescente aux mèches roses s'écarta au dernier moment, rien que pour faire comprendre au Démon Noir qu'il ne l'aurait pas de cette façon, elle. Il y allait avoir bien du boulot... Justine se dirigea donc vers le box de Last Chance, pour se réconforter. Il était si doux maintenant ! Est-ce qu'un jour son fils serait-il comme ça ? Il y avait de quoi douter. L'alezan se rapprocha de sa cavalière et vient frotter sa grande tête intelligente contre elle. Puis il la poussa doucement du bout du nez. La jeune femme extirpa donc de sa poche une petite pastille verte, ces fameuses pastilles de menthe. Last Flower et Royale passèrent leur tête par dessus la porte du box. Les autres mangeaient paisiblement leur foin. La petite jument grise tappa du pied contre sa porte. Justine s'approcha doucement et lui donna une pastille de menthe. Puis, à un rythme très ralenti, elle s'approcha du Géant Noir. Elle tendit doucement la main. Il y avait toujours cette lueur dans son regard, mais il goba la pastille rapidement et retourna paisiblement au fond de son box, dans l'obscurité. Justine sortit de l'écurie et se hâta en direction de la cuisine. Elle ouvrit doucement la porte et la referma soigneusement derrière elle. Elodie était là, en train de faire la vaisselle. La jockette sourit, attrapa une chaise et s'assit. Il fallait mieux rester calme pour le moment ! Avec un sourire, la jeune femme lança d'un ton doux :

" Bonjour Elodie."

Elle se retourna vers la directrice et afficha cette fois ci un air qu'elle souhaitait le plus sérieux et le plus grave possible. D'un ton toujours aussi doux, elle murmura presque :

" Vous devez vous douter que je ne suis pas venue ici uniquement pour vous parler de la pluie et du beau temps. Nous pouvons discuter dehors pour celà. Non, je tiens à vous parler de quelque de beaucoup important. De Lucie Descrochers et de Suprême de l'Orca."

13h15

Le repas terminé depuis cinq minutes environ, Elodie Howkins entama la vaisselle, faute que la machine faisait un bruit bizarre et que la jeune femme ne voulait pas la faire exploser. Les manches de son pull retroussées, elle frottait avec une éponge et du savon-vaisselle les assiettes puis les essuyait avec le même geste avec une loque. Chose étonnante, c'était que les couverts et plats brillaient plus que lorsqu'ils sortaient du lave-vaisselle. Elle soupira et entendit une voix parler derrière elle. Elle se retourna et aperçut Justine Dahlia - une des jockettes du Domaine et propriétaire de Last Chance qui lui était le père de Last Flower. Mais la discussion prit vite une autre tournure, Suprême de l'Orca et sa petite cavalière. Le ton et la mine de Justine étaient sérieux et Elo' devait répondre sincèrement aux questions qu'allait lui poser la blondinette. Elle soupira et arrêta sa vaisselle, pour s'assoir sur une chaise en face d'Avril.

« Je t'écoute. »

C'était vrai que Lucie n'était pas au mieux de son moral ces temps-ci mais il fallait se faire une raison ... L'homme avait montré de vrais documents (selon Elodie, car Lucie avait bien vu qu'ils étaient faux) et la directrice ne pouvait pas répliquer. Une chose qui lui semblait bizarre, c'était que Suprême était restée calme alors que d'habitude, elle paniquait à l'idée de monter dans le van. C'était étrange mais que dire donc ?

13h15.

Justine Dahlia s'installa plus confortablement sur sa chaise. Elle respira lentement, se murmura des instructions pour rester calme. Elle compta jusqu'à dix dans sa tête, doucement, pour se calmer. Ne pas s'énerver. Pas maintenant. Hochant doucement la tête, elle vit qu'Elodie Howkins était prête à l'écouter. Tant mieux ! Peut être que les paroles de Justine seraient moins douloureuses si la directrice était prête à les entendre, en espérant qu'elle ne s'attende pas à des compliments. La jeune femme repoussa encore un peu la chaise de la table, croisa ses doigts et s'appuya sur la table de bois. Elle avait quelques défauts que la jeune jockette n'avait jamais remarqué. Justine soupira profondément, se rappuya à son dossier, inspira, expira. Elle regarda Elodie faire la vaisselle avec minutie. Elle s'arrêta ensuite, prit une chaise, s'assit en face de son interlocutrice. Bon, maintenant, il fallait se ressaisir, parler. Expliquer. Avec diplomatie, avec la même diplomatie dont Laura Florini, sa mère, avocate, avait toujours fait preuve. Alors, d'un ton et affectueux, Justine Dahlia expliqua :

" Vous n'êtes pas aveugle. Vous avez bien vu qu'elle n'allait pas bien. Comme vous avez vu que ces documents étaient faux, n'est ce pas ? Alors pourquoi avoir laissé Suprême partir ? Comme ça, vous courez le risque de perdre une excellente jockette."

Justine inspira, expira. Elle rapprocha sa chaise de sa table, rajusta les manches de son sweat shirt. Elle guetta par la fenêtre, vérifiant avec minutie que personne ne les espionnait. La jeune femme poussa un nouveau soupir. Cela ne faisait pas longtemps qu'elle était au Domaine de Courses Hippiques, mais elle avait déjà eu le temps de s'attacher aux lieux, aux chevaux, aux habitants. La jockette s'inclina vers Elodie et murmura à une voix plus basse, espérant ainsi que si quelqu'un se trouvait dans les parages, personne ne pourrait entendre les paroles qu'elle prononça avec toute la diplomatie dont elle était capable, d'un ton qu'elle voulait doux et confiant :

" Lucie et moi sommes amies depuis des années. Mais je ne prétends pas la connaître par coeur. Je peux juste vous dire que je ne supporterez pas de la perdre. Et si elle part, attristée par le départ de Suprême, je suivrai. Malheureusement pour vous, vous aurez alors perdu vos deux meilleures jockettes. Ceci n'arrivera pas si vous agissez, si vous prouvez que les documents sont faux ! Je connais cependant assez Lucie pour vous informer que si vous ne faites rien vous même, elle serait capable de le faire elle. Et ça ne finira pas forcément dans le bonheur... Si vous voyez ce que je veux dire."

Elle murmura d'une voix douce, comme pour conclure, alors qu'elle ne souhaitait cependant pas le moins du monde s'arrêter là :

" Vous saviez ce que vous risquiez en nous engageant, avec nos casiers judiciaires imposants. Vous nous avez accepter parce que nous avions du talent, vous avez ignorer nos casiers judiciaires. A vous, à présent, d'en assumer les conséquences."

Au bout d'un moment, elle murmura également d'un ton doux, un sourire encré sur ses lèvres d'une façon déterminée et plutôt fière de ce qu'elle avait à dire...

" Et en fait. Vous nous avez pris pour notre talent, n'est ce pas ? Très bien. Dans ce cas là, je me permettrai de vous signaler que je prendrai Royale pour la prochaine course. Malgré ce que vous dites, c'est une excellente jument de course. Croyez moi, j'ai de l'expérience. Elle a fini troisième il y a peu de temps, et sur une erreur de ma part. Toute façon, Suprême a tout de même un meilleur niveau qu'elle. Mais croyez moi, avec une jockette compétente, Royale peut faire des miracles. Ne vous inquiétez pas, je saurai vous le prouvez lors de la prochaine course..."

Elodie écouta tout avec attention. Le moindre détail, le moindre mot, était crucial pour la suite. D'ailleurs, Elo" fut étonnée et se releva vivement de sa chaise lorsque Justine lui dit que l'homme qui était venu chercher Suprême de l'Orca avait présenté de faux documents. Comment avait-elle pu se faire piéger ?! Elle était professionelle dans le monde de l'élevage des chevaux et n'avait même pas remarqué que le garçon l'arnaquait ... ! Elle serra le point, frappant avec détermination la table. Seulement, si les documents étaient faux, cela voulait dire que l'adresse de son écurie était fausse, aucune trace ... Mais Lucie le savait, elle ! Un lien incassable, invisible, à la limite magique la reliait à sa belle jument. Ca, Elodie en était certaine ... Puis ensuite vint la discussion sur Royale ... Royale ... Avait-elle vraiment un talent ? Caché au plus profond d'elle même si oui ! Elodie soupira brièvement et prit la parole, après le long discours du jockey.

« Et bien ... Je sais que Lucie est très attaché à sa jument mais ... comment la retrouver ? Et pour Royale, tu n'auras qu'à me le prouver à la prochaine course ... »

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