La Légende En Action. [Libre]

Le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Malgré le froid matinal, l'astre lumineux resplendissait. Dans le silence, Justine Dahlia et son célèbre Last Chance se dirigeaient vers l'hippodrome. La jeune femme arrêta son cheval près de la piste, là où l'herbe verte - encore recouverte d'une fine couche de givre, permettait aux équidés de brouter. La jockette ressera la sangle, régla la mentonnière de son casque. Elle vérifia la longueur des étriers, puis reprit les rênes et monta en selle avec souplesse. Elle leva la tête et décrivit un tour pour ajuster sa toque. Son regard se porta ensuite sur la piste. En herbe, avec des stalles de départ, piste sèche, parfaite pour Last Chance. Il serait donc au mieux de sa forme et pourrait réaliser la meilleure performance possible dans des conditions optimales. Ajustant ses gants, la jockette rassembla habilement ses rênes, vérifia que le harnachement ne gênait pas sa monture et prit le pas en direction de la piste.

Ce jour là, Last Chance était d'attaque. Il semblait d'humeur joyeuse et prêt à galoper. Il s'autorisa même un petit coup de cul joueur à la détente au pas, rênes longues, que Justine interpréta très bien, connaissant la personnalité de l'étalon. Elle l'avait lâché au pré hier, et rentré pour la nuit. L'étalon alezan avait la robe soyeuse, les oreilles pointés en avant, l'air décontracté. Il mâchait doucement son mors et secouait un peu la tête, mais semblait réceptif à tous les ordres de sa jockette. Les doigts de cette dernière dans la flamboyante crinière de l'étalon, tant dis qu'il avançait doucement mais énergiquement. Avec habilité, Justine lui empêcha tout débordement de joie, soit coup de culs, départ au trot, petit galop ou même triple galop. Ses doigts coururent ensuite le long de son encolure marron, avant d'ajuster les rênes fermement mais en douceur, et ses mollets pressèrent toujorus avec la même douceur et la même expérience les flancs du Pur Sang pour lui demander de détendre au petit trot.

Justine avait une idée derrière la tête, qu'elle essayait de repousser, mais ses efforts semblaient -et étaient, vains. Quelques jours auparavant, la semaine dernière peut être, Lucie Desrochers et son intrépide jument Suprême de l'Orca avait battu le record d'Amérique de Last Chance, établi deux ans auparavant, à Los Angeles, avec Justine en jockette. Une des premières courses du couple. Le cheval et la cavalière s'étaient rencontrés à Heartland, quatre ans auparavant. Last Chance était là pour être soigné de sa phobie des stalles de départ suite à un accident, et Justine avait été désigné pour être sa soigneuse. Depuis, une complicité évidente unissait le couple, qui rayonnait de bohneur et excellait en compétition depuis la fermeture de l'écurie qui leur avaient permis de se rencontrer. Avec émotion, Justine revoyait ses souvenirs à l'écurie, tout en canalisant les accès de folie de sa monture décidément de fort joyeuse humeur. Le sourire aux lèvres, elle le ralentit un peu.

Last Chance comprit le message. De lui même, il ralentit le trot, fit demi tour et se dirigea vers les stalles de départ, dont il avait si peur quelques années auparavant. Désormais, il ne restait plus rien. Juju le fit pénétrer dans la stalle numéro trois, remit bien ses gants, prit le chronomètre dans sa poche, le passa autour du cou. Sa main gauche sur les rênes, elle les lacha complétement pour mettre ses lunettes jaunes sur ses yeux, la protégeant de la boue, quoique qu'il n'y en ai pas beaucoup aujourd'hui. La jockette se mit en suspension, le corps de Last Chance se raidit, muscles bandés, prêt à bondir en avant. Il était prêt. D'une très légère pression des mollets, Justine le sentit s'envoler hors de la stalle de départ sous elle. Elle accompagna bien le mouvement et en cet instant, pour elle, plus rien n'existait. Ni les médias, qui avaient fait éclaté au grand jour le record de Suprême, ni le record de Suprême, ni Suprême, ni les quelques journalistes qui devaient se cacher dans les tribunes, non. Rien qu'elle. Et Last Chance.

L'alezan s'était littérallement projeté hors de la stalle et lorsque ses sabots reprirent contact avec le sol, il s'envola. D'habitude, les chevaux qui court sont très bruyants. Là, on entendait à peine les sabots de Last Chance avalant la piste en herbe, non, mieux, la survolant. Justine ne s'époumonnait pas comme la plupart des jockeys qui disent encourager leurs chevaux, non, sa cravache ne s'abattait pas non plus sur la croupe alezane, pour la simple et bonne raison qu'elle n'en avait pas. Le couple, en silence, allait à un train infernal, et semblait impossible à arrêter. Justine était heureuse. Le vent lui fouettant le visage, ses cheveux qui volent, les crins de Last Chance près de son visage, tout ceci, elle aimait et ça la rendait heureuse. Dans son élan d'hystérie, elle se dressa plus haute encore tant dis que Last Chance fonçait sur la piste, elle leva le bras et fit signe aux journalistes qui tentaient de se cacher, agglutinés derrière les tablettes des tribunes, prenant des clichés. En habituée, Juju ne dit rien, se retourna, se remit en suspension, et fonça de plus belle.

Lorsque le tour fut fini et que la jeune femme appuya sur le chronomètre, elle avait du mal à réaliser. Oh, la vitesse, les médias, tout ça, elle était habituée. Mais le score qu'elle avait sous les yeux... Non, elle avait dû appuyer trop tôt. Mais non. Et même une centième de seconde trop tard, sûrement. Tant dis que les journalistes affluaient sur la piste et que Last Chance les chassait en ruant, Justine fixait le temps d'un air béat. Puis finalement, avec un cri de joie, elle enleva le chronomètre de son coup, et le montra à tous les journalistes, qui poussèrent des hauts cris = Non seulement Last Chance avait battu le nouveau record de Suprême, le record d'Amérique, mais aussi celui du monde, détenu par un certain Curlin, Pur Sang aussi connu que Last Chance. Les médias, tout heureux, repartirent rapidement. L'agitation retomba, Justine descendit, et fit marcher sa monture pour qu'elle récupère de son effort incroyable, le chronomètre toujours dans la main, toujours béate. Le seul mot qu'elle parvint à dire fut =

" Last Chance... Tu es incroyable !"

A ce moment là, une silhouette se profila non loin...

Suprême hennit en voyant son "chéri" galoper. Enfin, ce n'était pas vraiment son chéri, disons un bon ami ... voir plus ?! La baie piaffa pendant quelques pas et agita l'encolure, essayant d'enlever ses rênes de la main de Lucie Desrochers, qui venait de terminer un sprint avec sa monture. La blondinette était arrivée juste après que les médis soient partis, soit quand Justine arrêta Last Chance. Elle soupira. Ju' venait de battre son record et heureusement que Supr' ne l'avait pas compris ... Battantes comme elles étaient, Lulu et sa jument détestaient perdre face à qui que se soit ... Mais elle n'allait tout de même pas bouder sur sa meilleure amie ? Ca n'aurait aucun sens ... Et dire qu'elle était hyper contente à l'idée d'avoir battu ce record, elle était assez déçue mais, n'en parlons plus ... ... Hum, chose plus difficile à faire qu'à dire. La jockette soupira et flatta l'encolure de sa jument, essayant de calmer celle-ci. A vrai dire, Suprême n'apprécia guère et frappa brusquemment le sol. Elle leva ensuite ses antérieurs d'une vingtaine de centimètres du sol, les reposa et cette fois se leva de tout son long. Instinctivement, la jeune femme recula, lâchant sans faire exprès les rênes, pour ne pas se prendre un sabot dans la tête. Le cheval de course coucha les oreilles et comme si de rien n'était, repartit dans le sens opposé, trouvant l'entrée de la piste et trottant gaiement vers Last et sa cavalière. Sa propriétaire soupira et d'un pas nonchalant remarcha féliciter son amie. Arrivée près de Justine, elle s'exclama.

« Waouw, quelle course ! »

Même si cela venait du coeur, on pouvait voir que Lulu n'appréciait guère de se faire battre. Elle détourna doucement les yeux vers la jument qui jouait averc Last Chance, se cabrait ou ruait comme bon lui vive. Lucie, depuis son enfance, avait cette rage, cette rage de vaincre. Elle détestait les critiques et encore pire, perdre ... Perdre, quel mot pour elle ! Habituée dès très jeune à la victoire, le mot défaite ne lui plaisait pas, au contraire, elle le détestait ! Pourtant, où était donc passée la Lucie d'autrefois ? Joyeuse, moqueuse et rigolote ? Celle que tout le monde a connu à Heartland ? Où était passé cette petite lueur de joie dans les yeux de la blonde ? Ca, seule Lucie le sait mais vous pouvez toujours rêver pour qu'elle vous le dise ! En fait, tout ça ... C'est à cause de lui ... Lui ... Lui qui avait tant pourri la vie de sa fille ... Vous avez bien compris, le père de Lucie était revenu. En repensant à cela, Lucie serra les poings, sans même s'y rendre compte. Vous vous demandez sûrement pourquoi elle le détestait autant ... ou non pire, elle avait autant peur de son père ? Et bien, il a tué sa femme qui était la mère de la blondinette ... Et en plus de cela, il s'est enfui de prison et suit Lucie, elle en est maintenant certaine en ayant vu sa voiture garée près de la discothèque ...

Justine Dahlia venait d'arrêter Last Chance et le remit progressivement au pas quand elle aperçut Suprême de l'Orca et Lucie Descrochers qui les observaient. L'adolescente sourit et leur adressa un petit signe amical de la main. Elle mit L'Alezan Grincheux au petit trot pour se rapprocher plus rapidement de Lulu et de sa jument. Mais soudain, l'étalon aperçut un corbeau sur le bord de la piste et se cabra de toute sa hauteur. La jockette recula doucement et approcha le cheval de course de l'oiseau noir, qui ne tarda pas à s'envoler, effrayé. L'alezan fit un brusque écart et tenta d'arracher les rênes à sa jeune cavalière, mais elle tenait bon. Suprême arrivait au grand trot vers eux, suivie par Lucie. Justine connaissait bien son amie et mit peu de temps à comprendre qu'elle était assez déçue. Eh oui, son premier record ! Que Last Chance venait littérallement et simplement "d'exploser", il n'y avait rien d'autre à dire. La monture de Juju frotta son nez soyeux contre celui de Suprême et ronfla doucement pour montrer qu'il était content. Sa jockette effleura doucement sa splendide et puissante encolure alezane, ses doigts vinrent s'emmeler dans ses crins flamboyants. Justine leva les yeux vers son amie, un peu gênée. Mais elle le fut encore plus quand Lulu la complimenta ! Alors, une idée qu'elle aurait pu qualifier de génie (sans se vanter) lui traversa l'esprit. Aussi, d'un ton doux, elle demanda à la blondinette en face d'elle :

" Merci... Hé ! Mais dis moi. Mon cher alezan a encore de la réserve. Il ne transpire pas, il n'est pas haletant ! ça te dirai une petite course entre nous deux et eux deux ? Sans enjeux, juste pour s'amuser, comme ça quoi ! Quelle distance ?"

Quel défi ça allait être ! Deux couples de battants opposés l'un à l'autre ! L'élève dépasserait-il le maître ? Car oui, vous le savez bien, quand Justine précise "sans enjeu", pour deux battantes pareilles, vous songez bien qu'il y en a un, d'enjeu ! Celui, même si elles sont amies, de dépasser l'autre, de gagner... Mais non, pas de l'écraser. La profession de jockey était dure, mais sachez qu'elle l'était encore plus pour des femmes, qui misaient plutôt sur la stratégie et un très fort caractère qui leur permettaient de s'accrocher dans cette soi disante profession d'hommes ! Tout le portrait de Lucie Descrochers et de Justine Dahlia ! La petite blonde vérifia une fois de plus le sanglage, remit sa toque, et enfila ses lunettes. Elle fit marcher un peu Last Chance pour le détendre et permettre à ses muscles de récupérer de l'effort précédent qui avait été assez... Important ! Mais c'est aussi maintenant qu'il faudrait se donner ! C'était leur seule occasion d'affronter une des meilleure juments du monde ! Maintenant, pas en course, la monture de Justine étant trop vieille ! La jockette flatta l'encolure de son sublime cheval, tout en lui murmurant des paroles d'encouragement. Elle attendit que Lulu ait fini de détendre Suprême pour rejoindre les Starting Gates. Et dire qu'avant, c'était la grande phobie de Last Chance ! Justine rabattit ses lunettes jaunes sur ses yeux et se mit en suspension. Rachel, qui assistait à l'entraînement, referma les stalles. Muscles bandés, prêts à bondir en avant, Juju attendit l'ouverture avec patience en murmurant à Last Chance :

" Allez. Last Chance, il faut que tu montres le meilleur de toi même ! C'est peut être ta copine, mais aujourd'hui, il faut finir avant elle, ok ? Il faut montrer que c'est toi le meilleur de tous les chevaux !"

Justine tourna le regard vers Lucie et lui adressa un sourire. La jockette murmurait des paroles pareilles à sa chère jument. Il y avait sur cette piste, deux cracks, pas de la même génération, mais qui allait s'affronter très prochainement sur cette piste d'entraînement ! L'adolescente se mit en suspension, tendit les rênes, et fixa la piste. Les portes s'ouvrirent, les chevaux s'élancèrent...

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